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La lettre que Lea nous a laissée ...

Juin 2023

Mon maître, Lama Zeupa, a exprimé le souhait que j'écrive mon testament-témoignage dans cette dernière partie de ma vie. Avant qu'il ne soit trop tard. Un jour, mon corps mourra, c'est certain. Pourtant, ma conscience continuera. L'état naturel de mon esprit est le vide vigilent.

Je suis devenue bouddhiste à l'âge de 32 ans, en 1977, il y a 46 ans. Le bouddhisme n'était pas encore très connu en Occident. C'est mon compagnon durant 35 ans, Frans Goetghebeur, qui m'a présenté ce "point de vue". Sans lui, je n'aurais peut-être jamais franchi cette étape importante de ma vie. Depuis que j'ai pris refuge, je n'ai pas eu une seconde de doute. La réalité telle qu'elle est, en tant que telle, c'est ce que je cherchais. C'est la première fois que je me suis sentie en sécurité et heureuse d'avoir des lignes directrices auxquelles je faisais entièrement confiance.

Au cours de ces premières années, j'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement les plus grands maîtres tibétains, tels que le Dalaï-Lama, les 16ème et 17ème Karmapa, Jamgon Kontrul Rinpoché, Situ Rinpoché, ... . Dès le début, mes enseignants les plus proches étaient des Lamas du monastère de Kyabje Kalu Rinpoché à Sonada, près de Darjeeling.


J'ai effectué mon premier voyage en Inde avec Lama Ogyen – qui était déjà actif en Belgique à cette époque – et j'ai pu séjourner quelque temps à Sonada et à Rumtek. Quelle chance ! Nous avons pu pratiquer les prosternations dans ces lieux sacrés. Il n'y avait pas encore beaucoup de visiteurs occidentaux. Avec Lama Ogyen comme guide, le contact direct avec les Rinpochés, les Lamas et les moines était assez facile.

De retour en Belgique, nous avons continué à voyager en France pour rencontrer d'autres Lamas et d'autres lieux de Dharma. Notre propre maison devint un centre de Dharma, où Lama Ogyen et Norbu Tsewang, son traducteur, vinrent habiter. En plus de notre travail à temps plein en tant que professeurs de langues, nous avons réussi à trouver le temps de multiplier les activités d'enseignement de Lama. Au bout de cinq ans, il est devenu évident que notre maison ne pouvait plus répondre à tous les souhaits d'expansion de notre Lama et de nos pratiquants. Pendant nos journées libres, nous avons parcouru le pays à la recherche d'un petit endroit où nous pourrions organiser retraites et programmes d'enseignement. Après deux ans de recherches, ce n'est pas un petit endroit que nous avons trouvé, mais un immense domaine de 13 hectares : le Château du Fond l'Évêque. 6 hectares de bois, 7 hectares de parc autour d'un véritable château comptant de nombreuses pièces et possibilités.  

Nous y avons à peine jeté un coup d'œil, tant cela nous paraissait impossible à réaliser. Mais Lama Ogyen, lui, a visité tous les recoins, des (très grandes) caves au grenier, en passant par tous les étages. En rentrant à Anvers ce soir-là, Lama réussit à nous convaincre de la possibilité de réaliser cette rare opportunité. Les débuts seraient difficiles, bien sûr : il fallait, par exemple, trouver les fonds nécessaires. Mais ce qui était intéressant, c'est que les activités pouvaient commencer presque immédiatement, sans frais de construction supplémentaires. Nous avons donc pris le risque : le contrat fut signé en mai 1983. Grâce à la banque et quelques 9 "investisseurs" personnels, la vente en tant que telle fut effectuée le 14 juillet 1983. L'après-midi même, nous nous sommes rendus sur place : Lama Ogyen, Norbu, Frans et moi-même. L'ampleur de la tâche était d’une écrasante évidence.

Finis les "temps libres", finis les voyages de vacances ! Tous les week-ends, toutes les vacances se passaient à Yeunten Ling. Nous portions principalement des vêtements de travail. La plus grande pièce du premier étage fut presque immédiatement transformée en lieu de culte. Peu à peu, des membres proches sont venus nous aider et séjourner dans ce beau domaine, qui s’épanouissait en été. Pourtant, nous n'avions même pas de tondeuse pour entretenir l'immense pelouse devant le château. Deux sponsors néerlandais ont acheté une tondeuse à gazon, qui s'est vite avérée beaucoup trop petite pour le travail qu'elle devait accomplir. Mais le processus d'apprentissage avait commencé !

La banque restait notre plus grand souci. Heureusement, deux groupes avaient l'intention d'utiliser notre château et le parc qui l'entoure pour organiser leur propre programme d'enseignements : ce furent les premiers revenus du centre ! Plus tard dans l'année, Lama a eu l'idée géniale de rechercher une société intéressée par certaines décorations et objets précieux du château et du parc. Et nous avons trouvé l'antiquaire idéal pour réaliser ce souhait ! De plus, notre bois semblait compter au moins 100 grands arbres qui devaient être coupés et pouvaient être vendus. Là encore, nous avons trouvé l'entreprise qui pouvait effectuer ce travail et payer la somme appropriée. Les paiements mensuels à la banque étaient couverts pour un an. Tout bonnement incroyable !

Ce sont là quelques-uns des "miracles" dont nous avons pu faire l'expérience. Par la suite, Gega Lama, le grand artiste et peintre de thangkas, créa deux impressionnantes statues de Bouddha ainsi que de nombreux objets et décorations artistiques. Depuis lors, c’est Temba Rubgay – son principal élève – qui s'occupe des décorations artistiques dans nos centres.

Notre premier programme d'enseignement eut lieu en octobre : une semaine de retraite de White Mahakala.

Ce fut le début d'un programme régulier et de visites d'excellents maîtres au cours des années suivantes. Kalu Rinpoché attirait tant d'étudiants de différents pays qu'il est vite devenu évident que nous devrions nous agrandir. La première visite de Sa Sainteté le Dalaï-Lama en 1990 a nécessité la location d'une grande tente pour permettre aux 2000 participants de suivre les enseignements et les initiations. Malheureusement, à la fin de ce grand événement, nous avons appris la mauvaise nouvelle que notre cher Lama Ogyen était gravement malade : il s'est évanoui alors qu'il nous aidait à démonter la tente ! Les médecins nous ont appris qu'il devait être malade depuis un certain temps déjà, sans nous en informer. Il a préféré rentrer au Népal pour passer ses derniers mois auprès de sa famille. J'ai eu la chance de passer quelques semaines en août avec lui à Katmandou et j'y suis retournée lorsqu'il est décédé en octobre 1990.

Pourtant, Lama Ogyen avait sans doute anticipé sa disparition et avait pris les mesures nécessaires pour permettre à nos centres de continuer à fonctionner. En 1989, il avait invité Lama Karta, l'un des Lamas de la jeune génération de Sonada, à venir l'assister en Belgique. Celui-ci se révéla presque immédiatement un enseignant doué et Frans put développer ses propres qualités de traducteur. Le nombre d'enseignements et de participants ne cessait d'augmenter. La renommée du bouddhisme s'étendait et les 4 visites suivantes du Dalaï-Lama en Belgique au cours des années qui suivirent, rendirent le bouddhisme encore plus populaire. De grands événements eurent lieu, comme l'exposition « Tintin au Tibet » et le rassemblement d'environ 500 charmants participants au Palais des Beaux-Arts. Yeunten Ling devint un centre de Dharma important en Europe. Pendant de nombreuses années, nous avons accueilli le rassemblement annuel de tous les groupes de Dharma membres de l'Union Bouddhiste de Belgique. De nombreuses organisations culturelles ont invité Lama Karta à présenter le bouddhisme. Des milliers d'enseignants des différents niveaux du système scolaire ont profité de notre offre de suivre un programme d'une journée. Ces journées d'enseignement ont été organisées dans les trois centres : à Schoten, à Huy et à Bruxelles. Pendant l'été, Yeunten Ling était le cadre idéal pour des programmes qui attirèrent de nombreux participants, comme le Karling Shidro, l'enseignement d'une semaine sur les différents types de méditation, la retraite de méditation Shiné et Lhaktong, le week-end pour les parents avec enfants, etc.

Entre-temps, il était devenu évident que l'espace d'hébergement et d'enseignement devenait trop limité. Une grande salle de méditation et 10 studios furent construits : on les connait aujourd’hui sous le nom de Tcheupel Ling. De plus, en 2005, un immense projet de construction fut lancé : il comprenait un grand temple, 20 studios, 20 chambres et plus encore. En 2008, nous fûmes confrontés à une crise financière. Pourtant, de nombreux sponsors et donateurs ont continué à croire en notre grand projet. Ils sont devenus nos grands bienfaiteurs. À partir de 2010, nous avons pu commencer à utiliser l'ensemble de l'infrastructure. En 2012, nous avons eu le grand honneur de recevoir la visite de Sa Sainteté le Dalaï-Lama à Yeunten Ling pour l’inauguration officielle. Plus de 6 000 participants, dont de nombreux Tibétains, purent profiter de cette occasion exceptionnelle. En 2007, nous entamions une coopération à long terme avec une société néerlandaise qui organisait des cours résidentiels à Yeunten Ling. Les participants étaient principalement des personnes souffrant de problèmes mentaux ou physiques, ce qui rendait l'exercice d'un emploi régulier quasi-impossible. Les enseignements de nos deux Lamas se sont révélés très inspirants et ont aidé de nombreuses personnes à sortir de leur dépression. Cette coopération prit fin en 2017.

Lama Karta était toujours ouvert à de nouveaux événements, à des rencontres exceptionnelles : il semblait presque sans limites.  L'expansion semblait faire partie de son naturel. 

Mais une fois de plus, les membres de nos trois instituts furent confrontés à une triste nouvelle : la maladie de Lama Karta, qui cachait depuis longtemps l'état de grave dégradation de son corps. Aucun médecin ne pouvait plus l'aider. Lama Karta est décédé en février 2013.

Lama Tashi Nyima et Lama Zeupa,  les deux Lamas qui avaient été invités à assister Lama Karta dans sa mission d'enseignement en Belgique, s’occupèrent d’organiser les cérémonies de circonstance, assumant ainsi à leur tour la tâche importante de guider nos centres !  

S’il souhaite évidemment continuer à guider nos instituts aussi longtemps que possible, Lama Zeupa souhaite également élargir l'équipe de Lamas qui s'occupent des programmes d'enseignement. Les deux Lamas se concentrent principalement sur la pratique, l'enseignement et les retraites. Notre infrastructure actuelle offre tant de possibilités :  prenons-en tous soin. D'autres groupes et organisations commencent à découvrir les nombreuses qualités de notre centre. De plus en plus de retraitants individuels viennent profiter de la paix et de la beauté qui soutiennent leur pratique de la méditation. 


En 2022, le programme "Quand la science rencontre l'expérience", avec le professeur Steven Laureys, eut lieu pour la première fois. Le Dr Laureys considère Lama Zeupa comme son guide et ami et souhaite démontrer l'importance et les bénéfices de la méditation d'un point de vue scientifique. D'autres événements se dérouleront dans un avenir proche ! 

Lama Zeupa est mon guide. Cela apaise mon esprit. Il s'occupe également des aspects financiers et cérémoniels de cette partie de ma vie. C'est un grand soulagement pour moi.

C'est à moi d'apprendre à faire face à ma maladie. Chaque semaine, je passe trois après-midi à l'hôpital pour une dialyse rénale. Le reste du temps, je réside à Yeunten Ling. Tout ce que je peux souhaiter est disponible ici. D'innombrables possibilités de promenades autour du stupa, de la statue de Bouddha, dans le parc et la forêt. Partout des fleurs offrent une belle décoration, grâce à des soins dévoués. Je suis entourée d’amis qui contribuent à l'atmosphère générale d'amour et de compassion. Mais c'est surtout la présence de nos chers Lamas qui m'est la plus précieuse. Leur gentillesse est incommensurable. C'est un privilège de pouvoir passer cette période de vieillesse et de souffrance dans cet endroit. Lama Zeupa m'a aidé à accepter cette situation avec joie : "Il y a plus de 40 ans, vous avez créé ce centre de retraite plein de qualités (Yeunten). Il est donc tout à fait naturel que vous puissiez bénéficier de ces qualités maintenant que vous en avez besoin".

Tout cela peut se poursuivre en toute tranquillité, en toute confiance. Après mon décès, les trois centres continueront à s'épanouir. Cela fait plus de 30 ans que Lama Zeupa et Lama Tashi Nyima résident à nos côtés. C'est tout à fait exceptionnel. Nous avons beaucoup de chance d'avoir ces grands enseignants aimants avec nous pendant toutes ces années. Peu de centres de Dharma dans le monde ont (eu) ce privilège. Toute leur attention se concentre sur le bien-être de nos instituts, des personnes qui s'en occupent, des nombreux amis qui apprécient les programmes. Nos bénévoles sont très conscients de cette atmosphère de bienveillance et d'amour. 

Je souhaite vivement que vous restiez tous proches de nos deux Lamas : les membres du CA, de la direction, de l'Assemblée générale, les pratiquants, les bénévoles, les bienfaiteurs. À chaque fois, leurs conseils sont si merveilleusement appropriés. Ils incarnent la présence de notre cher maître Kyabje Kalu Rinpoche. Le Karling Shidro et le Kagyu Meunlam en juillet de cette année seront des événements importants. Nous pouvons nous réjouir de la présence et des enseignements du Vénérable Rigzin Jatsön Rinpoché qui, à cette occasion, viendra spécialement de Taiwan en Belgique.

Écoutons attentivement son message sage et profond.  


De même, il est très important que vous offriez votre aide et votre confiance à nos deux Lamas. Le long passé de nos instituts a prouvé que c'est la voie à suivre pour obtenir de bons résultats. Chérissez nos Lamas et les centres comme des joyaux rares et précieux.

 

C'est ainsi que la transmission portera tous ses fruits !